Bilbo

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- Penny Dreadful : une nouvelle ligue de héros extraordinaires

- Tolkien et les forêts de la Terre du Milieu

- Les gentlemen en tous genres (ou pas) des sœurs Brontë

- Field of Dreams : des rêves et des hommes

- Une touche de Jane Eyre et une pincée des Hauts de Hurlevent dans la recette du Jardin Secret

- Les héroïnes en tous genres de Jane Austen

NB : Le référencement des illustrations est en cours... mais ça risque de prendre un peu de temps !

The translation of some articles into English is in progress and will soon be available.

mardi 23 décembre 2014

Poudlard et la magie de Noël

Noël est entourée de magie - c'est une image, une atmosphère : la neige, les lumières, les odeurs... L'univers d'Harry Potter lui aussi est plein de magie - alors quoi de plus magique que Noël à Poudlard?!
Noël à Poudlard c'est un tas de choses... c'est une décoration grandiose, un festin de roi et des cadeaux enchantés et enchanteurs - qui ne seront pas perdus !

L'esprit de Noël retrouvé
Toute une atmosphère
Quand Noël arrive enfin à Poudlard, il semble que le petit Harry découvre cette fête comme il a découvert le monde magique quelques mois plus tôt : "Harry had never in all his life had such a Christmas dinner." (Harry Potter 1, XII) Entrer dans le monde auquel il était censé appartenir c'est pour Harry comme entrer dans une famille - tout un contraste avec les Dursley. Alors, puisque c'est le premier véritable Noël d'Harry, il fallait faire les choses en grand - à commencer par un ingrédient indispensable : la neige !
"Christmas was coming. One morning in mid-December, Hogwarts woke to find itself covered in several feet of snow. The lake froze solid and the Weasley twins were punished for bewitching several snowballs so that they followed Quirrell around, bouncing off the back of his turban." (Harry Potter 1, XII)
La magie des sorciers se mêle à la magie de Noël !
L'atmosphère spéciale de Noël passe aussi par la décoration du château pour laquelle la magie joue encore un rôle important puisque les professeurs de Métamorphose et Sortilèges, McGonagall et Flitwick, sont mis à contribution !
"So Harry, Ron and Hermione followed Hagrid and his tree off to the Great Hall, where Professor McGonagall and Professor Flitwick were busy with the Christmas decorations. [...]
The Hall looked spectacular. Festoons of holly and mistletoe hung all around the walls and no fewer than twelve towering Christmas trees stood around the room, some sparkling with tiny icicles, some glittering with hundreds of candles." (Harry Potter 1, XII)
Si l'atmosphère est si particulière c'est aussi parce que durant les fêtes, le château se vide de la majeure partie de ses occupants. Harry se retrouve ainsi dans une toute autre ambiance... le château n'est plus là que pour lui, ou presque !
"Once the holidays had started, Ron and Harry were having too good a time  to think much about Flamel. They had the dormitory to themselves and the common room was far emptier than usual, so they were able to get the good armchairs by the fire." (Harry Potter 1, XII)
Le château, sa magie, ses secrets ne semblent alors être là que pour lui - que pour nous. Et puis, à mesure que les années passent, la nouveauté devient tradition. Chaque année, les douze sapins reprennent leur place dans la Grande Salle, la neige recouvre le parc pour annoncer l'arrivée des fêtes et le château ne reste ouvert que pour Harry et pour nous - ou presque ! Noël prend davantage d'ampleur dans la Coupe de Feu quand les écoles de Beauxbâtons et Durmstrang sont présentes pour le Tournoi des Trois Sorciers. Un bal grandiose est organisé et la décoration dont nous avons l'habitude est accentuée pour impressionner les invités - même les armures exposées dans les couloirs se mettent à chanter des cantiques de Noël !
Et, une fois les traditions posées, il est possible de les mettre à mal... Et c'est ce qui se passe à partir de l'Ordre du Phénix - plus de Noël à Poudlard... et symboliquement ce changement intervient après le retour de Voldemort. Après cet événement, plus rien ne sera comme avant. Même il y a tout de même une chose qui ne change pas : la famille d'Harry sera toujours autour de lui.
 
Famille recomposée
En entrant dans le monde des sorciers, l'orphelin qu'est Harry entre dans une grande famille. Une famille avec laquelle il n'a pas de liens sanguins mais qui est plus présente et plus aimante que ne l'ont jamais été les Dursley. Et ceci est particulièrement visible le matin de Noël quand Harry trouve au pied de son lit une pile de cadeaux !
"On Christmas Eve, Harry went to bed looking forward to next day for the food and the fun, but not expecting any presents at all. When he woke early next morning, however, the first thing he saw was a small pile of packages at the foot of his bed." (Harry Potter 1, XII)
Ainsi, chaque année, Harry reçoit des cadeaux de la part de ses amis, Ron et Hermione, Hagrid et aussi de Mrs Weasley qui lui offre, comme à chacun de ses enfants, un pull tricoté main. A côté de ça,  Harry reçoit toujours un cadeau mesquin de la part des Dursley comme un cure-dent, par exemple ! Cette nouvelle famille qui s'est construite autour d'Harry est toujours présente pour lui en cette période où il est si important d'être entouré des gens qu'on aime.
"Both Ron and Hermione had decided to remain at Hogwarts, and though Ron said it was because he couldn't stand two weeks with Percy, and Hermione insisted she needed to use the library, Harry wasn't fooled, they were doing it to keep him company, and he was very grateful." (Harry Potter 3, X)
Même quand les traditions de Poudlard sont bouleversées après le retour de Voldemort, la famille est immuable et Harry la retrouve au 12, square Grimmaurd, puis au Terrier, avec les personnages de Sirius Black ou encore Remus Lupin. Sans oublier Ron, Hermione et les Weasley sont tous là et les cadeaux aussi. Des cadeaux qui s'avèreront parfois très utiles ! Et surtout, des cadeaux qui feront connaître à Harry la notion d'héritage, ce que connaît bien Ron qui recycle les affaires de ses frères ou encore les pièces d'échec de son grand-père !

Réveillon rime avec frissons !
Les méchants ne prennent pas de vacances !
Peut-être le plus important, sûrement le plus symbolique, il est l'un des plus utiles : la cape d'invisibilité. En effet, si le château se vide pendant les fêtes, Rusard et les professeurs sont toujours là et il faut se faufiler dans les couloirs et les éviter - sans parler de Peeves, l'esprit frappeur.
"The whole of Hogwarts was open to him in this Cloack. Excitement flooded through him as he stood there in the dark and silence. He could go anywhere in this, anywhere, and Filch would never know!" (Harry Potter 1, XII)
Alors Harry en profite pour aller là où il n'a pas le droit. Car les méchants ne prennent pas de vacances eux et s'il veut mettre un terme aux événements en cours, Harry doit d'abord découvrir qui est Nicolas Flamel.
"The hairs on the back of Harry's neck prickled. Maybe he was imagining it, maybe not, but he thought a faint whispering was coming from the books, as though they knew someone was there who shouldn't be." (Harry Potter 1, XII)
Et quand il ne s'agit pas de trouver ce que garde un chien à trois têtes, il faut établir la vérité sur l'héritier de Serpentard : est-ce Malefoy ? Et puis, quand il ne s'agit pas de ça, il faut se méfier de Sirius Black qui s'est évadé d'Azkaban et découvrir ce qu'il prépare... Et, pour cela, un autre cadeau, "an early Christmas present" (Harry Potter 3, X) : la carte du Maraudeur, qui permet de voir les moindres recoins du château et les allers et venues de ses habitants !
Ainsi, c'est aussi ça Noël à Poudlard : les sorties nocturnes dans les couloirs déserts, le règlement enfreint - mais toujours pour la bonne cause ! - parce que les intrigues font parties intégrante de la vie à Poudlard. Mais ceux de la peur ne sont pas les seuls frissons qu'apportent les fêtes de Noël au petit Harry Potter car c'est l'occasion pour lui de se rapprocher des siens.

Le fantôme du Noël passé
Comme le dit si justement George : "Chritsmas is a time for family." (Harry Potter 1, XII) Noël permet à Harry de réaliser, tout orphelin qu'il est, qu'il fait partie d'une nouvelle famille mais le besoin de ses propres parents ne s'en fait que plus ressentir mais eux aussi sont présents d'une certaine façon.
"Your father left this in my possession before he died. It is time it was returned to you.
Use it well.
A Very Merry Christmas to you." (Harry Potter 1, XII)
Ainsi, à travers Dumbledore, James transmet sa cape d'invisibilité à son fils. Et pour Harry c'est un grand moment. Il utilise pour la première fois le soir de Noël et va faire une merveilleuse découverte. 
"Something held him back - his father's Cloak - he felt that this time - the first time - he wanted to use it alone." (Harry Potter 1, XII)
Il y a pour lui quelque chose de sacré dans cette première utilisation et quand on voit vers quoi elle le conduit, on se dit qu'Harry a eu raison d'y aller seul...
"It was a magnificent mirror, as high as the ceiling, with an ornate gold frame, standing on two clawed feet. There was an inscription carved around the top : Erised stra ehru oyt hbe cafru oyt on wohsi. [...] He stepped in front of it.
He had to clap his hands to his mouth to stop himself screaming. He whirled around. His heart was pounding far more furiously than when the book had screamed - for he had seen not only himself in the mirror, but a whole crowd of people standing right behind him.
But the room was empty. Breathing very fast, he turned slowly back to the mirror.
There he was, reflected in it, white and scared-looking, and there, reflected behind him, were at least ten others. [...]
They just looked at him, smiling. And slowly, Harry looked into the faces of the other people in the mirror and saw other pairs of green eyes like his, other noses like his, even a little old man who looked as though he had Harry's knobbly knees - Harry was looking at his family, for the first time in his life.
The Potters smiled and waved at Harry and he stared hungrily back at them, his hands pressed flat against the glass as though he was hoping to fall right through it and reach them. He had a powerful kind of ache inside him, half joy, half terrible sadness." (Harry Potter 1, XII)
Soir après soir, Harry revient voir sa famille et cela commence à inquiéter Ron - ainsi que Dumbledore. Celui-ci rejoint Harry devant le miroir le troisième soir pour le mettre en garde : "It does not do to dwell on dreams and forget to live, remember that." (Harry Potter 1, XII)
En cette période de Noël, comme l'écrit Rowling, voir ses parents est pour Harry à la fois une joie et une peine. C'est comme un voeu qui s'exauce et en même temps ça ne fait que lui rappeler qu'il ne pourra jamais passer les fêtes avec eux, qu'ils sont à jamais séparés. Il s'en rapproche dans le Prisonnier d'Azkaban quand il retrouve son parrain, Sirius Black, et Remus Lupin, un autre ami d'enfance de ses parents. De plus, on se rend compte que la Carte du Maraudeur offerte par les jumeaux Weasley a été créée par le groupe d'amis : un autre héritage.
Ces rencontres sont comme le fantôme de ce premier et unique Noël qu'Harry aura passé avec ses parents, âgés de seulement quelques mois et dont il ne garde aucun souvenirs. Ce fantôme se fait plus présent dans les Reliques de la Mort puisque J. K. Rowling entraîne Harry jusqu'à Godric's Hollow, où il est né, le soir du réveillon de Noël. Alors même qu'ils sont en exil et que Poudlard leur manque cruellement:
"The singing grew louder as they approached the church. It made Harry's throat constrict, it reminded him so forcefully of Hogwarts, of Peeves bellowing rude versions of carols from inside suits of armour, of the Grat Hall's twelve Christmas trees, of Dumbledore wearing a bonnet he had won in a cracker, of Ron in a hand-knitted sweater." (Harry Potter 7, XVI)
Là-bas, il voit la maison dans laquelle ils ont vécu, des monumentsà la gloire des Potter et il peut enfin se recueillir sur leur tombe.
"But they were not living, thought Harry : they were gone. The empty words could not disguise the fact that his parents' mouldering remains lay beneath snow and stone, indifferent, unknowing. And tears came before he could stop them, boiling hot then instantly freezing on his face, and what was the point in wiping them off, or pretending? He let them fall, his lips pressed hard together, looking down at the thick snow hiding from his eyes the place where the last of Lily and James lay, bones now, surely, or dust, not knowing or caring that their living son stood so near, his heart still beating, alive because of their sacrifice and close to wishing, at this moment, that he was sleeping under the snow with them." (Harry Potter 7, XVI)
Un moment très mélancolique pour Harry mais, heureusement, son amie Hermione est à ses côtés, et le retour de Ron va suivre, comme un miracle de Noël.

A Poudlard, Harry découvre ce qu'est avoir une famille et l'esprit de Noël, quelque chose que les Dursley n'ont jamais partagé avec lui. Ayant souffert de la perte de ses parents, du rejet des Dursley, Harry attache de l'importance à sa famille de substitution, Ron, Hermione, les Weasley, et leur proximité restera primordiale dans sa vie d'adulte. Il épouse Ginny, la soeur de Ron, avec qui il a trois enfants, qui ont pour cousins les enfants de Ron et Hermione.
Fils, Harry devient père. Filleul, il est maintenant parrain. Une grande famille qui l'entoure et ses enfants à lui ne passeront pas Noël a Poudlard mais en famille à la maison !
Joyeux Noël !

jeudi 4 décembre 2014

Femmes de Préraphaélites

Je ne prétends pas analyser de façon correcte ou "professionnelle" les œuvres évoquées ici car je suis loin d'être une experte ! Je souhaite simplement partager ce qu'ont pu m'inspirer ces tableaux d'un mouvement artistique que j'affectionne et qui m'a marquée, ce qu'ils m'évoquent et ce que j'ai pu en apprendre... Bienvenue dans l'univers des Préraphaélites ! Ce groupe fut fondé en 1848 par Dante Gabriel Rossetti, William Holman Hunt et John Everett Millais. Y sont également associés d'autres artistes que je vais mentionner comme Frank Dicksee et surtout John William Waterhouse.
La femme est au centre de bien des œuvres de ce mouvement. Qu'elle soit fatale, fantasmée, tirée de la légende arthurienne, de la mythologie ou encore de l’œuvre de Shakespeare, elle hante les pensées de ces peintres !

Créatures mythologiques
Hylas and the nymphs, Waterhouse, 1896
L'histoire d'Hylas fait partie du mythe de Jason et les Argonautes. Il était un beau jeune homme, élève et amant présumé d'Hercule. Il est envoyé chercher de l'eau mais, surpris par des nymphes, n'aura pas le temps de remplir son pichet. L'une d'elles, charmée, vient à sa rencontre pour l'embrasser. Hylas disparaît sans laisser de trace, hypnotisé, il n'a d'autres choix que de suivre les nymphes. D'ailleurs sur le tableau, Hylas apparaît de dos, attiré vers les nymphes qui lui font face. Cette mise en scène met le spectateur dans le même cas de figure et reporte son attention sur le cercle de nymphes, plus que sur Hylas lui-même. Elles sont nombreuses face au seul Hylas et leur ressemblance surnaturelle, ainsi que la douceur de leurs traits, hypnotise. C'est une sorte d'enlèvement et pourtant douceur et délicatesse prévalent dans cette peinture ; les couleurs de la nature, la peau pâle des nymphes, la transparence de l'eau et des nénuphars qui dissimulent légèrement leurs corps. Finalement, subjugué, Hylas les suit de son plein gré et entraîne le spectateur avec lui.

The Siren, Waterhouse, v. 1900
La sirène de la mythologie, tantôt femme oiseau, tantôt femme poisson, n'est pas une créature recommandable. Elles sont connues pour enchanter les marins avec leurs voix, les attirant ainsi vers les récifs où leur bateau coulera. La sirène représentée ici est une digne représentante de sa famille. Assise en hauteur sur un rocher, elle joue d'un instrument pour attirer l'homme dans ses filets. Celui-ci est en difficulté dans ces eaux tumultueuses, il semble pris au piège de la sirène et de la mer. Lui, les yeux exorbités, s'accrochant désespérément au rocher, paraît perdu. Elle, calme, semble indifférente au sort auquel elle l'a conduit.

Circe Invidiosa, Waterhouse, 1892
Circé, sorcière, est une femme de pouvoir rencontrée par Ulysse dans L'Odyssée. Elle a recourt a bien des stratagèmes pour arriver à ses fins. Sur  le tableau ci-contre, elle empoisonne l'eau de sa rivale pour la changer en un monstre hideux.
Dans Circe offering the cup to Ulysses (1891), Waterhouse l'a également dépeinte tentant d'envoûter Ulysse pour le garder sur son île. Dans les deux cas, elle est représentée comme une femme puissante, le regard sûr voire menaçant. Elle se tient droite, grandie... elle mène la danse. Ses vêtements révélant partiellement, ou de façon plus suggestive, son corps l'affirment dans sa position de pouvoir : elle ne craint rien parce qu'elle n'a rien à craindre.

La mythologie offre plusieurs types de créatures permettant de dépeindre la femme fatale, thème récurrent du Préraphaélisme et ce au-delà du cadre mythologique. Mais si la femme peut-être prédatrice, elle peut aussi être proie. En voici des exemples tirés d'un personnage biblique et de figures de poésies et légendes.

Femmes fatales et femmes maudites
Lady Lilith, Rossetti, 1872-3
Lilith est la supposée première femme d'Adam. Insoumise, elle aurait alors été répudiée au profit d'Eve. Rossetti a peint Lilith avec deux visages différents, celui de Fanny Conforth d'abord, qui fut ensuite recouvert par celui de Alexa Wilding que l'on peut voir ici. Toute la composition suggère la femme comme dangereuse, séductrice. La chevelure est libre, opulente, bouclée et rousse - rien qui ne soit associée à une femme "sage". Ses vêtements vont dans le même sens puisqu'elle est vêtue d'une simple chemise, ne porte pas de corset et que son épaule est dénudée.

La Belle Dame Sans Merci, Waterhouse, 1893
Le personnage de la Belle Dame Sans Merci est mis en vedette dans le poème de John Keats du même nom. Elle aussi est une prédatrice, ce qui est clairement établi par le nom qu'on lui donne. Elle attire des chevaliers dans son antre, à leur perte, telle une sirène. Voici un extrait du poème :
I met a lady in the meads,                            

  Full beautiful—a faery’s child,                   

Her hair was long, her foot was light,        

  And her eyes were wild.                             

[...]
She found me roots of relish sweet,                      

  And honey wild, and manna dew,             

And sure in language strange she said—      

  “I love thee true.”                                                                                                              
She took me to her elfin grot,                       

  [...]
La version de Frank Dicksee
                                                    
And there she lulled me asleep,                    
  And there I dream’d—Ah! woe betide!    

The latest dream I ever dream’d                       
On the cold hill’s side.                                  
I saw pale kings and princes too,                  

  Pale warriors, death-pale were they all;      

They cried—“La Belle Dame sans Merci     

  Hath thee in thrall!”              
I saw their starved lips in the gloam,            
  With horrid warning gaped wide,              

And I awoke and found me here,                

  On the cold hill’s side.
And this is why I sojourn here,                             

  Alone and palely loitering,                         

Though the sedge is wither’d from the lake,
  And no birds sing.

Le narrateur n'est pas la première victime de cette belle dame sans merci. Ses précédentes proies le préviennent du danger dans lequel il se trouve mais il est trop tard et son fantôme viendra vite leur tenir compagnie. Chez Dicksee on retrouve le schéma de la longue chevelure rousse comme dans la Lilith de Rossetti. Les cheveux sont un élément primordial chez Waterhouse puisqu'elle s'en sert pour emprisonner le chevalier hypnotisé.

The Lady of Shalott, Waterhouse, 1888 
Cette lady n'est pas une prédatrice mais une victime. La victime d'une malédiction qui lui interdit de voir le monde hormis à travers un miroir sous peine de mort et qui la condamne à tisser ce qu'elle voit. La dame apparaît dans le poème de Lord Tennyson contant cette histoire de la légende arthurienne inspirée de celle d'Elaine d'Astolat. Enfermée dans sa tour, la dame s'éprend de liberté et du désire de connaître l'amour des couples qu'elle voit dans son miroir. Alors un jour, alors qu'elle aperçoit le preux Lancelot, elle brave l'interdiction et quitte sa tour pour une barque et se dirige vers Camelot avec le peu de temps qu'il lui reste.
Le moins qu'on puisse dire c'est que la dame de Shalott fascinait Waterhouse puisqu'il existe deux autres peintures la représentant prisonnière de sa tapisserie.

Deux facettes différentes, opposées même, la prédatrice et la victime. Les préraphaélites ont trouvé d'autres figures d'inspiration chez William Shakespeare qui tiennent plus de la victime que de la prédatrice.

Héroïnes Shakespeariennes
Miranda (The Tempest), Waterhouse, 1916
Son titre usurpé par son frère, le duc de Milan Prospero vit exilé sur une île avec sa fille, Miranda. Mais Prospero n'a pas dit son dernier mot et a pour projet de rétablir la vérité et la légitimité de sa fille. Pour cela, il invoque une tempête pour attirer son frère imposteur et son complice, le roi Alonso, sur l'île. Miranda de son côté va tomber amoureuse de Ferdinand, le fils du roi.
Le tableau représente la scène du naufrage. On peut déjà voir des débris sur le rivage. Le contraste est fort entre la violence de la tempête et des vagues et la douceur de la silhouette féminine. Miranda, tournée vers la mer, assiste aux difficultés du navire qui viendra s'échouer sur son île, totalement inconsciente du tour qu'allait prendre son destin. Et nous, spectateurs, pouvons presque sentir les gifles du vent sur notre visage.

Mariana, Millais, 1851
Ce tableau était accompagné des vers de Lord Tennyson tiré du poème éponyme, " Mariana" :
She only said, 'My life is dreary,
He cometh not,' she said;
She said, 'I am aweary, aweary,'
I would that I were dead!'
Mais, à l'origine, Mariana est elle aussi un personnage de William Shakespeare, tirée de la pièce Measure for Measure (Mesure pour Mesure). L'histoire de Mariana n'est pas une histoire heureuse. Fiancée à Angelo, elle est abandonnée par celui-ci quand elle perd sa dot - ainsi que son père - dans un naufrage.
Sur le tableau de Millais, on la voit seule devant une tapisserie, s'étirant le dos. La peinture est toute en contraste, entre obscurité et lumière, entre vie et mort. Une moitié est dans l'ombre et, si Mariana est dans la lumière, elle porte une robe sombre. L'automne, présent par les feuilles mortes, s'invite à l'intérieur de la maison semblant insinuer que Mariana arrive à l'hiver de sa vie. Les vers de Tennyson souligne son désespoir et son désir d'en finir et cette idée est également présente dans la souris que l'on aperçoit. Les contes populaires disaient que les souris s'invitaient dans les maisons pour emmener avec elles les âmes des morts. Reste à savoir si celle-ci est là pour l'âme de Mariana. En revanche, l'espoir est tout de même présent, une bougie brûle dans la moitié sombre du tableau, signe que la lumière pourrait reprendre le dessus. Et le perce-neige du vitrail, symbole de réconfort, est une fleur qui brave bien des difficultés. La tapisserie fait souvent penser à Pénélope, la femme d'Ulysse qui tisse et détisse la sienne pendant vingt ans pour ne pas avoir à épouser un autre homme, faisant d'elle un symbole de fidélité. Ulysse lui retrouve Pénélope mais le fiancé de Mariana ne reviendra pas. Millais a choisi de la représenter debout, laissant son ouvrage de côté. Mariana arrête de tisser, elle n'attendra plus. Mais va-t-elle reprendre sa vie en main ou se laisser aller à son désarroi ?

Ophelia, Waterhouse, 1894
Héroïne tragique s'il en est, la Ophelia de Hamlet rencontre une terrible fin et c'est cette fin que les préraphaélites ont choisi de peindre. Ophelia est une jeune noble mais, dédaignée par Hamlet qui l'envoie au couvent. Et pour en rajouter, il tue le père d'Ophelia pensant qu'il s'agit de son propre oncle. Ophelia en devient folle, se baladant des fleurs dans les bras et chantant des chansons ou récitant des paroles n'ayant aucun sens. Puis, elle sera retrouvée noyée. Comme avec la dame de Shalott, Waterhouse semble s'être passionné pour le sujet avec ces trois tableaux. Chaque fois, on retrouve Ophelia avec des fleurs dans les cheveux, en pleine nature. Elle erre près de la rivière dans laquelle elle va se noyer. Son comportement semble étrange, induit par la folie qui l'a soudain accablée, elle se roule dans l'herbe, erre parmi les arbres. Dans cette première toile, on croirait presque qu'elle se prépare à se jeter à l'eau, se mettant des fleurs dans les cheveux comme pour en faire son lit funéraire.
D'ailleurs, c'est bien l'aspect d'un lit funéraire que prend la toile de Millais qui la représente couchée sur le dos dans le lit de la rivière entourée de fleurs.
Des figures féminines variées, certaines à craindre, d'autres à admirer, d'autres encore à pleurer... La femme passionne les préraphaélites et je n'en ai présenté ici qu'un échantillon !