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NB : Le référencement des illustrations est en cours... mais ça risque de prendre un peu de temps !

The translation of some articles into English is in progress and will soon be available.

jeudi 4 décembre 2014

Femmes de Préraphaélites

Je ne prétends pas analyser de façon correcte ou "professionnelle" les œuvres évoquées ici car je suis loin d'être une experte ! Je souhaite simplement partager ce qu'ont pu m'inspirer ces tableaux d'un mouvement artistique que j'affectionne et qui m'a marquée, ce qu'ils m'évoquent et ce que j'ai pu en apprendre... Bienvenue dans l'univers des Préraphaélites ! Ce groupe fut fondé en 1848 par Dante Gabriel Rossetti, William Holman Hunt et John Everett Millais. Y sont également associés d'autres artistes que je vais mentionner comme Frank Dicksee et surtout John William Waterhouse.
La femme est au centre de bien des œuvres de ce mouvement. Qu'elle soit fatale, fantasmée, tirée de la légende arthurienne, de la mythologie ou encore de l’œuvre de Shakespeare, elle hante les pensées de ces peintres !

Créatures mythologiques
Hylas and the nymphs, Waterhouse, 1896
L'histoire d'Hylas fait partie du mythe de Jason et les Argonautes. Il était un beau jeune homme, élève et amant présumé d'Hercule. Il est envoyé chercher de l'eau mais, surpris par des nymphes, n'aura pas le temps de remplir son pichet. L'une d'elles, charmée, vient à sa rencontre pour l'embrasser. Hylas disparaît sans laisser de trace, hypnotisé, il n'a d'autres choix que de suivre les nymphes. D'ailleurs sur le tableau, Hylas apparaît de dos, attiré vers les nymphes qui lui font face. Cette mise en scène met le spectateur dans le même cas de figure et reporte son attention sur le cercle de nymphes, plus que sur Hylas lui-même. Elles sont nombreuses face au seul Hylas et leur ressemblance surnaturelle, ainsi que la douceur de leurs traits, hypnotise. C'est une sorte d'enlèvement et pourtant douceur et délicatesse prévalent dans cette peinture ; les couleurs de la nature, la peau pâle des nymphes, la transparence de l'eau et des nénuphars qui dissimulent légèrement leurs corps. Finalement, subjugué, Hylas les suit de son plein gré et entraîne le spectateur avec lui.

The Siren, Waterhouse, v. 1900
La sirène de la mythologie, tantôt femme oiseau, tantôt femme poisson, n'est pas une créature recommandable. Elles sont connues pour enchanter les marins avec leurs voix, les attirant ainsi vers les récifs où leur bateau coulera. La sirène représentée ici est une digne représentante de sa famille. Assise en hauteur sur un rocher, elle joue d'un instrument pour attirer l'homme dans ses filets. Celui-ci est en difficulté dans ces eaux tumultueuses, il semble pris au piège de la sirène et de la mer. Lui, les yeux exorbités, s'accrochant désespérément au rocher, paraît perdu. Elle, calme, semble indifférente au sort auquel elle l'a conduit.

Circe Invidiosa, Waterhouse, 1892
Circé, sorcière, est une femme de pouvoir rencontrée par Ulysse dans L'Odyssée. Elle a recourt a bien des stratagèmes pour arriver à ses fins. Sur  le tableau ci-contre, elle empoisonne l'eau de sa rivale pour la changer en un monstre hideux.
Dans Circe offering the cup to Ulysses (1891), Waterhouse l'a également dépeinte tentant d'envoûter Ulysse pour le garder sur son île. Dans les deux cas, elle est représentée comme une femme puissante, le regard sûr voire menaçant. Elle se tient droite, grandie... elle mène la danse. Ses vêtements révélant partiellement, ou de façon plus suggestive, son corps l'affirment dans sa position de pouvoir : elle ne craint rien parce qu'elle n'a rien à craindre.

La mythologie offre plusieurs types de créatures permettant de dépeindre la femme fatale, thème récurrent du Préraphaélisme et ce au-delà du cadre mythologique. Mais si la femme peut-être prédatrice, elle peut aussi être proie. En voici des exemples tirés d'un personnage biblique et de figures de poésies et légendes.

Femmes fatales et femmes maudites
Lady Lilith, Rossetti, 1872-3
Lilith est la supposée première femme d'Adam. Insoumise, elle aurait alors été répudiée au profit d'Eve. Rossetti a peint Lilith avec deux visages différents, celui de Fanny Conforth d'abord, qui fut ensuite recouvert par celui de Alexa Wilding que l'on peut voir ici. Toute la composition suggère la femme comme dangereuse, séductrice. La chevelure est libre, opulente, bouclée et rousse - rien qui ne soit associée à une femme "sage". Ses vêtements vont dans le même sens puisqu'elle est vêtue d'une simple chemise, ne porte pas de corset et que son épaule est dénudée.

La Belle Dame Sans Merci, Waterhouse, 1893
Le personnage de la Belle Dame Sans Merci est mis en vedette dans le poème de John Keats du même nom. Elle aussi est une prédatrice, ce qui est clairement établi par le nom qu'on lui donne. Elle attire des chevaliers dans son antre, à leur perte, telle une sirène. Voici un extrait du poème :
I met a lady in the meads,                            

  Full beautiful—a faery’s child,                   

Her hair was long, her foot was light,        

  And her eyes were wild.                             

[...]
She found me roots of relish sweet,                      

  And honey wild, and manna dew,             

And sure in language strange she said—      

  “I love thee true.”                                                                                                              
She took me to her elfin grot,                       

  [...]
La version de Frank Dicksee
                                                    
And there she lulled me asleep,                    
  And there I dream’d—Ah! woe betide!    

The latest dream I ever dream’d                       
On the cold hill’s side.                                  
I saw pale kings and princes too,                  

  Pale warriors, death-pale were they all;      

They cried—“La Belle Dame sans Merci     

  Hath thee in thrall!”              
I saw their starved lips in the gloam,            
  With horrid warning gaped wide,              

And I awoke and found me here,                

  On the cold hill’s side.
And this is why I sojourn here,                             

  Alone and palely loitering,                         

Though the sedge is wither’d from the lake,
  And no birds sing.

Le narrateur n'est pas la première victime de cette belle dame sans merci. Ses précédentes proies le préviennent du danger dans lequel il se trouve mais il est trop tard et son fantôme viendra vite leur tenir compagnie. Chez Dicksee on retrouve le schéma de la longue chevelure rousse comme dans la Lilith de Rossetti. Les cheveux sont un élément primordial chez Waterhouse puisqu'elle s'en sert pour emprisonner le chevalier hypnotisé.

The Lady of Shalott, Waterhouse, 1888 
Cette lady n'est pas une prédatrice mais une victime. La victime d'une malédiction qui lui interdit de voir le monde hormis à travers un miroir sous peine de mort et qui la condamne à tisser ce qu'elle voit. La dame apparaît dans le poème de Lord Tennyson contant cette histoire de la légende arthurienne inspirée de celle d'Elaine d'Astolat. Enfermée dans sa tour, la dame s'éprend de liberté et du désire de connaître l'amour des couples qu'elle voit dans son miroir. Alors un jour, alors qu'elle aperçoit le preux Lancelot, elle brave l'interdiction et quitte sa tour pour une barque et se dirige vers Camelot avec le peu de temps qu'il lui reste.
Le moins qu'on puisse dire c'est que la dame de Shalott fascinait Waterhouse puisqu'il existe deux autres peintures la représentant prisonnière de sa tapisserie.

Deux facettes différentes, opposées même, la prédatrice et la victime. Les préraphaélites ont trouvé d'autres figures d'inspiration chez William Shakespeare qui tiennent plus de la victime que de la prédatrice.

Héroïnes Shakespeariennes
Miranda (The Tempest), Waterhouse, 1916
Son titre usurpé par son frère, le duc de Milan Prospero vit exilé sur une île avec sa fille, Miranda. Mais Prospero n'a pas dit son dernier mot et a pour projet de rétablir la vérité et la légitimité de sa fille. Pour cela, il invoque une tempête pour attirer son frère imposteur et son complice, le roi Alonso, sur l'île. Miranda de son côté va tomber amoureuse de Ferdinand, le fils du roi.
Le tableau représente la scène du naufrage. On peut déjà voir des débris sur le rivage. Le contraste est fort entre la violence de la tempête et des vagues et la douceur de la silhouette féminine. Miranda, tournée vers la mer, assiste aux difficultés du navire qui viendra s'échouer sur son île, totalement inconsciente du tour qu'allait prendre son destin. Et nous, spectateurs, pouvons presque sentir les gifles du vent sur notre visage.

Mariana, Millais, 1851
Ce tableau était accompagné des vers de Lord Tennyson tiré du poème éponyme, " Mariana" :
She only said, 'My life is dreary,
He cometh not,' she said;
She said, 'I am aweary, aweary,'
I would that I were dead!'
Mais, à l'origine, Mariana est elle aussi un personnage de William Shakespeare, tirée de la pièce Measure for Measure (Mesure pour Mesure). L'histoire de Mariana n'est pas une histoire heureuse. Fiancée à Angelo, elle est abandonnée par celui-ci quand elle perd sa dot - ainsi que son père - dans un naufrage.
Sur le tableau de Millais, on la voit seule devant une tapisserie, s'étirant le dos. La peinture est toute en contraste, entre obscurité et lumière, entre vie et mort. Une moitié est dans l'ombre et, si Mariana est dans la lumière, elle porte une robe sombre. L'automne, présent par les feuilles mortes, s'invite à l'intérieur de la maison semblant insinuer que Mariana arrive à l'hiver de sa vie. Les vers de Tennyson souligne son désespoir et son désir d'en finir et cette idée est également présente dans la souris que l'on aperçoit. Les contes populaires disaient que les souris s'invitaient dans les maisons pour emmener avec elles les âmes des morts. Reste à savoir si celle-ci est là pour l'âme de Mariana. En revanche, l'espoir est tout de même présent, une bougie brûle dans la moitié sombre du tableau, signe que la lumière pourrait reprendre le dessus. Et le perce-neige du vitrail, symbole de réconfort, est une fleur qui brave bien des difficultés. La tapisserie fait souvent penser à Pénélope, la femme d'Ulysse qui tisse et détisse la sienne pendant vingt ans pour ne pas avoir à épouser un autre homme, faisant d'elle un symbole de fidélité. Ulysse lui retrouve Pénélope mais le fiancé de Mariana ne reviendra pas. Millais a choisi de la représenter debout, laissant son ouvrage de côté. Mariana arrête de tisser, elle n'attendra plus. Mais va-t-elle reprendre sa vie en main ou se laisser aller à son désarroi ?

Ophelia, Waterhouse, 1894
Héroïne tragique s'il en est, la Ophelia de Hamlet rencontre une terrible fin et c'est cette fin que les préraphaélites ont choisi de peindre. Ophelia est une jeune noble mais, dédaignée par Hamlet qui l'envoie au couvent. Et pour en rajouter, il tue le père d'Ophelia pensant qu'il s'agit de son propre oncle. Ophelia en devient folle, se baladant des fleurs dans les bras et chantant des chansons ou récitant des paroles n'ayant aucun sens. Puis, elle sera retrouvée noyée. Comme avec la dame de Shalott, Waterhouse semble s'être passionné pour le sujet avec ces trois tableaux. Chaque fois, on retrouve Ophelia avec des fleurs dans les cheveux, en pleine nature. Elle erre près de la rivière dans laquelle elle va se noyer. Son comportement semble étrange, induit par la folie qui l'a soudain accablée, elle se roule dans l'herbe, erre parmi les arbres. Dans cette première toile, on croirait presque qu'elle se prépare à se jeter à l'eau, se mettant des fleurs dans les cheveux comme pour en faire son lit funéraire.
D'ailleurs, c'est bien l'aspect d'un lit funéraire que prend la toile de Millais qui la représente couchée sur le dos dans le lit de la rivière entourée de fleurs.
Des figures féminines variées, certaines à craindre, d'autres à admirer, d'autres encore à pleurer... La femme passionne les préraphaélites et je n'en ai présenté ici qu'un échantillon ! 
 

2 commentaires:

  1. Merveilleux blog qui donne une excellente idée de l'école Preraphaelite

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