... et aussi le père, les frères et les sœurs ohoooo ce serait le bonheuuur, ou pas...
Il était encore une fois...
Il s'agit en effet de la troisième adaptation d'ampleur du conte bien connu "La Belle et la Bête". En soi, ça ne me dérange absolument pas, j'adore cette histoire ! Non, ce qui me dérange, c'est que ce que l'on me montre n'est pas du tout ce que l'on m'a annoncé. Je cite ici le réalisateur, Christophe Gans, qui a dit dans un mini making of paru sur Youtube :
"Les adaptations de Jean Cocteau et de Walt Disney sont en fait des variations sur un texte de dix pages écrit par Madame Leprince de Beaumont et qui est en fait la contraction d'un texte beaucoup plus long écrit par Madame de Villeneuve. [...] Donc, avec ma co-scénariste, Sandra Vo-Anh, on s'est intéressé d'adapter le texte original long de Madame de Villeneuve."
Alors, j'ai envie de dire, façon aubergiste de Kaamelott : c'était beau de le tenter. Mais ça ne marche qu'avec ceux qui n'ont pas lu les contes -et encore ! Parce qu'à la fin, le combat entre "Gaston" & co et les géants de pierre façon Shadows of Collossus, j'ai peine à croire que quiconque pense que ça vienne d'un conte du XVIIIème siècle.
Quoi qu'il en soit, je trouve maladroit -et un brin condescendant- de faire mine de critiquer les précédentes adaptations pour avoir choisi d'adapter le texte court de Leprince de Beaumont plutôt que le long de Madame de Villeneuve quand, paradoxalement, sa propre adaptation ne voit que très peu la Belle et la Bête ensemble. Au final, on est avec cette nouvelle adaptation plutôt très loin du conte original alors qu'on ne vienne pas me parler de retour aux sources. On se demanderait presque si le conte de Madame de Villeneuve, ou celui de Madame Leprince de Beaumont, a été lu car le gros des changements semblent repris des deux adaptations précédentes. Par exemple, Cocteau avait cru bon d'ajouter un personnage masculin pour l'opposer à la Bête en la personne d'Avenant, lui aussi interprété par Jean Marais. De même, Disney avait ajouté Gaston. Et bien, dans le même esprit, Gans ajoute Perducas. Cocteau avait choisi de donner au prince le visage d'Avenant lorsqu'il redevient humain et Avenant lui devient la Bête en mourant -d'ailleurs, tant qu'on y est, les critiques hurlant "Cocteau assassiné !", il faut se calmer, s'il y a assassinat c'est du conte et pas de Cocteau qui, malgré toutes les qualités de son adaptation, n'en a jamais été l'auteur- bref... comme Avenant devient bête tandis que la Bête prend son apparence, dans le film de Gans, Perducas est fait prisonnier de ronces qui le recouvrent peu à peu tandis que la Bête reprend forme humaine. Alors, certes, on comprend le parallèle mais on ne peut s'empêcher de penser que le Perducas, c'est bon, on l'a déjà assez vu !
La beauté ne fait pas tout
Étant donné le sujet du conte qu'ils ont choisi d'adapter, ils devraient pourtant le savoir... Bon je n'y trouve pas que des défauts mais le souci c'est, à mon sens, que le point positif, à savoir l'esthétique, ne fait que mettre en lumière le gros point négatif, c'est-à-dire le manque de profondeur. Autrement dit, c'est le grand écart entre le fond et la forme. Les costumes sont grandioses, les robes de la Belle, d'une couleur différente chaque jour, représentent très bien la richesse des cadeaux de la Bête. Le château endormi sous les roses et les feuilles mortes est lui aussi assez envoûtant et a un charme gothique certain dans lequel les couleurs viennent surtout des personnages. Cette ambiance atteint son paroxysme lors de la scène de la valse sur la "Dark History Waltz" de Brian Keane -autre élément repris d'une adaptation précédente, celle de Disney en l’occurrence.
Cette danse est un tournant dans l'attitude de la Bête et marque un respect nouveau pour Belle en passant du tutoiement "Danser avec moi ne t'effraies pas?" au vouvoiement "Voulez-vous m'aimer?" Et justement, on se demande bien pourquoi elle le voudrait -et c'est là le gros problème de ce film : à savoir, qu'à la fin quand Belle dit "Mais, je vous aime déjà" on ne comprend pas vraiment pourquoi. Et pour cause, après un décompte, la Belle et la Bête n'auront passé qu'une quinzaine de minutes en tête-à-tête sur presque deux heures de film, ce qui est plutôt dérisoire. Le passé de la Bête en prince avec sa première épouse, sous forme de rêves, occupe presque autant de temps avec un peu plus de dix minutes. Quant aux brigands, ils explosent le score avec environ dix-huit minutes... Alors, certes, dans le conte de Madame de Villeneuve, la Belle rêve d'un prince la nuit sans savoir qu'il s'agit de la Bête mais ici les visions de Belle dévoilent peu à peu les origines de la transformation du prince en Bête. Et c'est là que ça se gâte parce que, malgré l'ingéniosité des transitions, c'est là qu'entre en scène le dieu de la forêt qui gronde dans les nuages et transforme le prince en bête pour le punir d'avoir tué sa fille la nymphe des bois qui avait pris forme humaine pour connaître l'amour comme les hommes et avait épousé le prince... yep!
Là encore, que la transformation du prince soit une punition pour ses mauvaises actions est une exagération du conte de la part de Disney. Parce qu'à la base dans le conte, le truc c'est que la Bête est laide, certes, mais elle a bon cœur. Jean Cocteau l'avait animalisé davantage en en faisant un chasseur. Disney expliquait dans un prologue que le prince manquait cruellement de générosité et qu'il en fut puni par une fée mais au moins, Disney fait évoluer la Bête : d'abord caractérielle et violente, elle s'adoucit peu à peu au contact de Belle et redevient humaine jusqu'à la rédemption. Mais ici, le prince que l'on voit en rêve/flash-back est exécrable au possible : chasseur, il fait du chantage à sa femme acceptant de renoncer à la biche dorée pour elle si elle lui donne un fils -un fils, hein, pas une fille surtout !- et ne tient finalement pas sa promesse, tue la biche qui n'est autre que sa nymphe de femme et est puni par le papa dieu de la forêt. C'est bien simple, il ressemble au Gaston de Disney. Analphabête, peut-être pas mais basique et primaire, oui un peu quand même.
Et le truc c'est que la Bête est tout aussi exécrable -point de rédemption apparente ! A part dire à Belle de se taire ou de lui hurler dessus... il y a bien le "Si vous ne revenez pas, j'en mourrais" mais, comme le "Je vous aime déjà" de Belle, ça sonne creux parce qu'on ne voit absolument pas leurs sentiments se développer... et c'est bien dommage !
Chez Cocteau, les deux personnages passent une bonne partie du film ensemble et deviennent amis et même quand ils sont séparés, on voit leur attachement l'un pour l'autre. Idem chez Disney où la transition est opérée par la chanson "Je ne savais pas". Là, il y a la danse, oui, mais qui finit en confrontation et finalement, voyant la Bête se repaître de gibier tel un fauve, Belle prend la fuite -ça aussi c'est du Disney, jamais la Belle ne s'enfuit dans le conte- et est rattrapée par la Bête avec un "Maintenant vous savez ce que je suis. Dites-moi encore que je vous répugne, dites-le moi !" dont on ne sait pas bien d'où il sort : "Maintenant", c'est-à-dire ? Après t'avoir vu manger comme un lion ? Bah oui un peu. Après t'avoir vu en prince rustre ? Toujours un peu. C'est comme lorsqu'il implore sa femme de le pardonner, après avoir rompu sa promesse en tuant la biche dorée et donc elle, pour le pardon on repassera... pour l'instant j'ai un peu envie de te dire non.
On passe beaucoup trop de temps sur les intrigues secondaires au détriment de la relation entre la Belle et la Bête et les causes données à la transformation de la Bête, avec ce premier mariage, font que Belle passe un peu pour un prix de consolation, elle n'est qu'un second choix, dont on a l'impression qu'il nécessite la bénédiction de la première épouse dont la statue mortuaire sourit au happy end. Et ça, ça fait pas très conte de fées.
L'ambition était là, le résultat l'est beaucoup moins
Ils avaient les moyens, le budget mais auraient dû les utiliser à bon escient plutôt que d'en faire étalage avec une avalanche d'effets spéciaux. S'il y a bien un truc qui m'énerve, c'est quand on a un matériau pareil, les moyens et qu'on ne tient pas ses promesses, quand à vouloir trop en faire, on perd de vue l'essentiel -ça me rappelle assez mon sentiment à l'égard des adaptions du Hobbit (cf. "Coup de gueule et foutage de gueule en Terre du Milieu") qui tiennent leur titre d'un personnage relégué à l'arrière-plan de sa propre histoire. Ici, le film s'appelle La Belle et la Bête mais si on voit la Belle, on la voit très peu avec la Bête. Et quant à lui, on a la sensation de voir plus souvent le prince en flash-back que la Bête dans le présent et aucun des deux ne nous donne vraiment de raison de nous y attacher -on a besoin de se rappeler qui est la Bête dans le conte et les autres interprétations du personnage. Je suis pourtant bon public, même Sandor 'the Hound' Clegane m'a eue ! (cf. "'I am no knight!' : the strange case of Sandor 'the Hound' Clegane")
Il y a trop de monde dans ce film. A commencer par la famille de Belle qui, bien que présente dans le conte, l'est trop dans le film : les sœurs sont des farces ambulantes, l'un des frères met tout le monde dans la panade parce qu'il a des dettes -comme chez Cocteau et non le conte- et veut piller le château de la Bête pour les rembourser amenant un groupe de brigands au château dont le meneur poignarde la Bête -comme chez Disney et non le conte, où la Bête se meurt parce que la Belle ne revient pas dans les temps.
Les petits chiens aux grands yeux dénotent un peu dans le décor et sont si peu exploités qu'on aurait pu s'en passer. Et il y a ces autres hic qui viennent s'ajouter au reste comme le fait que lors du deuxième soir -celui de la robe verte- Belle semble avoir totalement changé de personnalité, c'est assez déconcertant. Le fait que Belle soit la narratrice de sa propre histoire pour ses enfants ne me gêne pas en soi, après tout il s'agit d'un conte. En revanche, les interruptions intempestives du récit de cette Belle-narratrice sont horripilantes à souhait -surtout quand enfin la Belle et la Bête sont face à face !
C'est dommage. C'est vraiment dommage. Ça aurait pu être une très belle histoire et un très beau film mais la Bête n'a aucune qualité rédemptrice, la Belle passe plus de temps avec les petits chiens qu'avec lui et les insipides brigands leur volent la vedette dans une séquence finale qui fut pour moi le coup de grâce. Il leur reste la lumière, les décors, les costumes, la musique mais leur manque l'essentiel : l'histoire d'amour de la Belle et la Bête et ça, ça me reste en travers de la gorge.
Salut !
RépondreSupprimerJ'ai bien aimé ton analyse (même sans avoir ni vu ni lu les précédentes oeuvres). Je suis d'accord avec toi sur... Eh bien sur tous les points en fait (surtout concernant la relation entre la Belle t la Bête) : je me suis demandée comment elle pouvait considérer les chiens comme ses "meilleurs amis" puisqu'elle ne les voit jamais, etc. Je me suis aussi demandé, question technique, qui lui faisait ses coiffures : les chiens ? Elle-même ? Bref, ça n'a pas beaucoup de sens... mais c'est un conte alors cela ne compte pas, c'est vrai.
La fin du film m'a beaucoup attristée puisqu'on tourne le dos à ce qui est pour moi l'atout majeur du film : le beau château à moitié en ruine rempli de roses (le décors en somme) !
Pour la question technique des coiffures etc dans le conte et le film de Cocteau c'est mis sur le compte de la magie du château. On parle de mains invisibles me semble-t-il :)
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